Le musée temporaire de la corruption en Thaïlande
En quelques jours la presse francophone s’était faite largement l’écho de l’ouverture à Bangkok d’un musée de la corruption. Cela allait de titres nationaux comme le Figaro, régionaux comme Le Berry, ou même étrangers mais francophones comme Bucarest Hebdo et sur le net on trouvait cette nouvelle fréquemment référencées.
La corruption est un phénomène endémique en Thaïlande et la junte militaire au pouvoir depuis mai 2014 a juré de débarrasser le pays de ce poison.
Etant sur place j’étais allé voir.
Tout d’abord quelques mots sur la corruption dans le pays à partir d’indice construit par Tansparency International qui établit un classement des pays selon un indice de perception de la corruption. La Thaïlande est classée au 85ème rang sur 175 pays en 2014.
Cet indice s’appuie sur l’opinion d’experts concernant la corruption dans le secteur public. L’accès aux documents administratifs et l’encadrement du comportement des élus sont des éléments déterminants pour l’obtention d’un bon score. A l’inverse, l’incapacité de l’administration à rendre des comptes aux citoyens et l’inefficacité des institutions publiques sont perçues comme des facteurs négatifs.
Pour la Thaïlande l’indice s’établit à 38 (plus l’indice est élevé moins la corruption est perçue comme forte) ce qui la met au 85ème rang du classement (102ème rang en 2013 avec un indice de 35).
Le meilleur score, 92, est celui du Danemark, score qui s’améliore d’un point chaque année depuis 3 ans. Le plus mauvais, 8, est celui de la Corée du Nord et de la Somalie. A titre indicatif la France est au 26ème rang avec un score de 69 qui s’est détérioré de 2 points en une année.
Mais revenons-en au «Musée». Une forme un peu inhabituelle sur ce site j’ai choisi de répondre à cinq questions.
Quand et où ?
Le « Musée » avait ouvert ses portes le 6 septembre 2015, date qui était celle de la journée anti-corruption, et était resté accessible jusqu’au 27 septembre. L’exposition avait lieu au sous-sol du Bangkok Art Cultural Center. Les «œuvres » présentées ont ensuite été déplacées en permanence au Bureau de la Commission nationale anti-corruption (CCNA) en Décembre.
Pourquoi ?
L’Organisation anti-corruption de la Thaïlande (ACT) a voulu montrer que la corruption est endémique dans le pays. «Avec ce musée, nous voulons que les gens apprennent et se rappellent que la corruption peut avoir diverses formes. Quant à ceux qui sont corrompus, sous quelque forme que ce soit, ce musée leur rappelle que ce qu’ils font sera enregistré dans l’histoire du pays et ne sera jamais oublié « , a déclaré Mana Nimitmongkol, Secrétaire général de la loi.
Ce qu’on y trouvait ?
La Commission anti-corruption dans le secteur public (PACC) a présenté une longue liste de cas de corruption qui a finalement été réduite à 10 cas spécifiques par l’ACT.
« Nous avons choisi de grosses affaires qui ont retenu l’attention du public« , a noté Mana. « Ce sont des cas qui ont eu un grand impact sur notre pays. Ils comprennent la corruption à un niveau gouvernemental qui a des conséquences économiques et sociales à long terme. Il y a aussi des cas de corruption commis par des hauts fonctionnaires du gouvernement, ainsi que par des agents gouvernementaux agissant comme complice du secteur privé.»
Les 10 cas majeurs de corruption mis en vedette comprennaient en autre :
- le scandale du riz subventionné sous le gouvernement de Yingluck Shinawatra qui aurait entrainé la perte de 500 milliards de bahts pour l’état (14,25 milliards d’euros) et pour lequel un jugement de l’ancienne première ministre et de membres de son cabinet étaient en cours.
- La fraude à la construction de la station de police. Plus de 150 millions d’euros ont été dépensés pour la construction de près de 400 postes de police qui n’ont jamais vu le jour. Suthep Thaugsuban, qui était vice-Premier ministre au moment où le contrat a été attribué, et qui était le leader des mouvements contre le gouvernement de Yingluck Shinawatra, avait été désigné comme l’un des coupables.
- La fraude concernant le système de traitement d’eau de Klong Dan qui a eu lieu dans la province de Samut Prakan. Les autorités, représentées par un homme a trois têtes avaient définies la politique de traitement de l’eau, le budget et avaient approuvé l’ensemble du projet. Les autorités ont également joué un rôle comme entrepreneur, responsable de la construction de l’usine de traitement d’eau qui en fait n’a jamais existé. La fraude a conduit à une perte de 2,1 milliards de bahts (50 millions d’euros).
- Le cas du Festival de Bangkok dans lequel deux cadres de cinéma de Los Angeles ont été condamnés à six mois par la justice américaine après avoir été jugé coupable d’avoir payé environ 1,8 M $ US (65 millions de bahts, 1,65 millions d’euros) en pots de vin pour remporter le droit de gérer le Festival international du film de Bangkok entre 2003 à 2006. Le pot de vin aurait été versé à l’ancien gouverneur de l’Autorité du Tourisme de Thaïlande (TAT) Juthamas Siriwan. La sculpture représente une femme debout sur une tortue suggérant la lenteur de la procédure judiciaire.
L’intérêt du «Musée» ?
Une belle opération médiatique au vu de l’impact dans la presse internationale mais le public thaïlandais ne s’était pas précipité sur le lieu d’exposition. De plus pour un étranger, l’intérêt était très limite puisque ce sont des scandales dont nous n’avons pas obligatoirement entendu parler. Chaque notice qui accompagnait une statue était uniquement rédigée en thaï.
Un site a été créé sur le net qui reprend ces dix scandales et qui doit progressivement s’enrichir d’autres scandales et doit permettre au thaïlandais de s’exprimer : http://museumofthaicorruption.com/
La qualité artistique ?
Les sculptures contiennent des « dessins symboliques » qui visent à encourager les visiteurs à interpréter les messages cachés…
Globalement si pour un étranger la visite ne s’imposait pas, on ne peut que souhaiter qu’une telle opération ait un impact sur le peuple thaïlandais, pour moi un des points faibles est qu’elle ne met l’accent que sur les gros scandales mais passe sous silence la petite corruption quotidienne qui affecte dans sa vie courante l’ensemble de la population.
D’autres articles sur des musées à lire :
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Le musée de la police à Bangkok : Le Palais Purusakawan
Le Batcat Museum & Toys Thailand à Bangkok
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